Le Roi des Vents
Avec lui je réalise un doux voyage.
Tout en lui m'appelle et m'attire. Sur la barque de sa voix je vogue vers l'inaccessible.
Lui seul me fait frôler les étoiles. Lui seul me fait boire à la source des rêves permis. Cette voix inconnue et sensuelle est la clé de mes tourments désirés, le sésame magique d'un autre monde, merveilleux et douloureux.
Avec lui je sais que quelques hommes sont forts et bons. Sa force est dans cette incommensurable douceur qu'il possède, à laquelle je m'abreuve, insoumise et déjà vaincue.
Sa bonté transparaît dans ses phrases inédites qui pourtant ravagent le monde et l'humanité insensée qui le peuple.
Et les tourments qu'ils me promet, distillés d'un doux murmure, me chavirent le corps et le coeur. Mon ventre se noue quand il m'imagine endormie à ses pieds, sereine et soumise. Soudain bouleversée je m'y vois aussi, éphémère-coeur tout à lui dévouée, lascive et patiente, honorée et contrainte, amoureuse et pourtant rebelle.
Quelquefois, des mots s'échappent de ma bouche, vivants, autonomes, brûlants, mots d'amour qui s'élancent dans un grand jet inextinguible et que je retiens à grand-peine, étonnée de cette puissance, anxieuse de cet aveu.
Lui sait allumer la flamme de mon ventre, cet étonnant bûcher qui rend l'eau suave au creux de moi. Il suffit pour cela qu'il apparaisse, au détour d'une connection, ou à la faveur d'un appel inattendu. Il suffit pour cela qu'il exige, doux et impérieux, de moi des "sacrifices" que d'abord je me garde d'accepter. Tel un automate, son timbre m'envoûte et me guide, m'enjoint d'obéir pour, presque, défaillir...
Chaque ordre est une brûlure qui m'émoustille et me vainc, est une insulte qui me dérange et m'atteint. Paradoxe de cet étonnant attrait qui me révolte et m'enchante.
Si je pouvais être assez libre pour me libérer de mes propres entraves impalpables, j'irais chercher chez lui le mordant de ses liens, la contrainte ou l'attente immobile qui, quand je l'évoque, parle directement à ce que j'ai de plus profondément bestial et de plus intrinséquement enfantin. J'irais trouver l'exquise douleur de ne plus rien exiger, la douceur de ne plus rien décider, l'art infaillible de me débattre pourtant sous un joug trop lourd, sous des coups trop sûrs. Et puis j'écouterais ses mots tendres qui effacent les larmes mais promettent de nouvelles épreuves, sans vaciller, sans céder à mon désarroi. Les longues minutes d'agonie vaudront l'or de ces quelques mots rassurants et mortifères.
Il aurait triomphé sur ma trop grande impudence que jusque là personne n'a su éteindre. Il aurait été à la hauteur de mes espoirs d'un Maître inébranlable et juste, puissant et doux, despotique et reconnaissant.
Et j'aurais sans doute abdiqué, cédé à ce Roi des Vents ce trône qui lui serait revenu de droit...